30 Juin Audrey appelle Francis

Salut Francis,

Je suis partie vite après votre présentation          en retard sur mon décollage.
J’aurais aimé en reparler avec vous      avoir le temps.

Futur intérieur, tu te rappelles tu m’avais demandé ce que j’en pensais
Est-ce que ça ressemblait à ma vie
à la façon dont les moments dispersés s’imbriquent dans ma mémoire
si l’apesanteur rendait mes pensées flottantes
la bordure du temps
la substance élastique
tout ça.

Tu m’as invitée au laboratoire, j’imagine que c’est pour les mêmes raisons
Tu veux savoir ce que j’en pense, c’est ça?

Je dois dire que vous avez vu juste.
J’ai pas le vocabulaire pour parler dans vos mots de ce que vous faites,
mais dans mes mots à moi, le trajet est limpide :
Se dupliquer
perdre une dimension
changer de longueur d’exposition
se retrouver à deux échelles simultanément
rejoindre le point de fusion du temps et de l’espace
demeurer lucide.

Ça me raconte la conviction granulaire d’être la seule personne à réellement exister. Et l’incapacité à supporter plus de quelques minutes l’idée que tout le reste, les planètes, les ondulations, l’antimatière, ça soit encore moi.

Je sais que je ne suis pas la seule à vivre ça, surtout dans le métier. Mais on parle pas de ces choses là. C’est délicat tu comprends? Alors ce que vous avez créé avec vos objets et vos caméras et vos plaques de styromousse, moi, ça m’a franchement touché.

Tu sais, quand j’étais jeune, au théâtre je tombais tout le temps dans la lune. Mais vous ce que vous faites, c’est tellement réaliste! Je veux pas en manquer une nanoseconde. On dirait que vous lisez dans ma tête!
Tu salueras ton équipage pour moi,
– Audrey, correspondante spationaute