Je me souviens, enfant, d’avoir ouvert ces coquilles en tremblant,
ne saisissant pas le but du jeu.
Constatant plutôt avec effroi que l’on se jouait de moi.
Un esprit malsain m’entraînait dans une chaîne sans fin.
Dans quel dessein?
Oui, car arrivé à la dernière poupée, ça ne s’arrête pas,
le processus, une fois enclenché, se poursuit en nous, se répercute à l’infini.
Jamais nous ne pourrons atteindre le cœur de la poupée, nous le savons,
la science nous le dit, l’infini s’infiltre partout, nous découvrons toujours
de plus petites particules à l’intérieur de ce que nous considérions jusqu’ici comme la plus petite particule: nous sommes passés de l’atome à l’électron, au photon, au quark, au neutrino… et quoi encore?
Voilà ce que nous rappellent ces maudites poupées!
Leur origine n’est pas humaine, c’est certain.
Longtemps, elles ont provoqué chez moi des crises récurrentes de somnambulisme.
Dans ces petites poupées gigognes, gigotent des vies à l’infini.
J’entends leur cris sourdre du bois; elles invoquent un renversement du monde et des dimensions.
N’ouvrez pas ces coquilles, je vous en conjure! Vous ne dormiriez plus…