Les affiches, les panneaux, les écriteaux sont partout dans le théâtre d’objets, le mot se montre, l’encart réclame fiction, l’écrit crie constamment qu’il y a récit : à la manière du film muet, le texte impromptu tue l’illusion en brisant la fluidité du montage et nous rappelle qu’il y a eu préparation, synthétisation des péripéties.
Le quidam tique, le néophyte s’étonne : pourquoi nous montrer ce qu’il faut savoir?
Pour donner une pause à l’acteur en le métamorphosant en montreur?
Pour emprunter l’autorité de l’écrit et rapporter un peu de vérité au royaume du toc?
Devant un tel béotisme, évitez les nuances – tenter d’expliquer les vertus de la distanciation pourrait achever notre animal –, non, répondez simplement que c’est le mot qui tente de rejoindre désespérément la consistance de l’objet qui, lui, a la force du concret et la puissance de l’image.
L’ignare écarquille les yeux et affiche sans vergogne son incompréhension… Misère! Comment lui faire comprendre que l’image nous plonge instantanément en notre intimité, en nos rêveries passées, car en elle, elle condense mille récits, sans jamais les réduire, sans jamais les enfermer définitivement en un seul possible.
Oui, voilà bien le pouvoir de l’image que le mot jalouse. Toisez maintenant le simplet et ajoutez que le mot, malgré ses vaines velléités de s’encrer dans le concret, restera à plat, les affichettes n’y peuvent fichtre rien, le mot restera bidimensionnel et n’atteindra jamais la profondeur de l’image. Savourez maintenant la mine déconfite de notre néophyte… voilà une image qui vaut mille mots.