Je ne saurais trop exprimer ma surprise lorsque ce convive – qui était en fait le cousin du frère de la femme de notre hôte, mais c’est une vétille – se mit en tête de nous expliquer comment le sous-vide était en fait un concept philosophique cherchant à nommer ce qui, dans le monde, soutient le néant. Suivant une complexe épistémologie se revendiquant de quelques lignées allemandes, notre homme se gargarisait à coups de vakuum, aspirant sans doute à séduire quelques invitées sensibles aux démonstrations alambiquées.
Je le piquai au vif, m’a-t-on rapporté, quand je laissai tomber au milieu du salon une simple vérité soudain lourde comme une bonne pièce de viande : le sous-vide est une banale technique de conservation des aliments qui vise à créer du rien autour de ce qu’on souhaite garder plus longtemps.
Une fois l’onde de choc passée et le convive prestement assis dans son ignorance, je pus continuer ma démonstration en filant sur les voies de la métaphore. Après tout, si le sous-vide conserve, savons-nous ce qui arriverait de nos souvenirs si nous avions les moyens techniques de les dispenser de l’air? Et nous pourrions aller plus loin : savons-nous ce qui arriverait d’un homme si, dans quelque avenir fantasque, nous pouvions le recouvrir ainsi de vide et le conserver pour plus tard? Non, nous n’en savons rien. Mais je suis prêt à parier qu’un jour des artistes nous en diront plus.
C’est du moins ce que je soutenais ce soir-là, avant de me faufiler vers la sortie au bras d’une charmante fille qui filait mieux la métaphore que la fausse philosophie germanique.