Le papier toilette

Ça vient sur un rouleau. Comme les livres anciens. Longue feuille blanche. Qu’y écrire ?

Le rouleau nous invite à le diviser en carrés, en feuillets. On n’a qu’à suivre les lignes pointillées, le chemin est tout tracé.

Pour accéder au chemin, il faut d’abord forcer la porte, décoller avec insistance (violence ?) la première feuille. Ensuite, tout se déroule sans entrave, doucement, comme si cette première agression n’avait jamais eu lieu. Aucune cicatrice visible. Et pourtant.

Chaque carré est perforé… ou plutôt ponctué. Des petits points qui dessinent des losanges et… des fleurs. Un motif qui se complète et se répète d’un carré à l’autre. On croirait des répliques de tuiles d’une céramique éphémère.

Note : Recouvrir le plancher d’une salle de musée de cet improbable carrelage.

Le froissement des feuilles : un bruit qui horripile ceux que les ongles sur le tableau font grincer des dents (mais pas les autres). Étrange ultrason.

Chaque feuille se détache en trois épaisseurs. Comme la peau : épiderme, derme, hypoderme. Une peau momifiée ? Découpée en carrés, remontée en rouleau ? Vélin humain.

Loin de la coupe chirurgicale des pointillés, chaque déchirure laisse une cicatrice cotonneuse permanente, et laisse échapper des cendres volatiles. Aucune suture possible.

Cette peau est si fragile : une seule larme suffit à la perforer, à la désintégrer, comme s’il s’agissait d’acide chlorhydrique.

Puis, rendu au bout du rouleau (que reste-t-il à espérer ?) : un cylindre de carton creux (un tunnel ?). Deux extrémités. Deux orifices. Un tube digestif schématisé… car oui, tiens, j’oubliais, c’est aussi très utile pour s’essuyer les fesses.

Ni roman, ni essai, ni poème : ce qui s’écrit sur ce rouleau, jour après jour, c’est un recueil de chroniques.

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