Le miroir

Certains indices ne mentent pas.
Comme ce vide qui me traverse.
Il est fugitif, mais violent.

Ou ce vent doux et chaud qui remue les arbres, tendrement…
Il vient d’ailleurs!
C’est une certitude qui se valide à même notre chair.
Et ce mouvement dans le miroir que l’on a cru percevoir du coin de l’œil.
Oui, vous savez à quoi je fais allusion.
Tentez le jeu à nouveau : Regardez-vous dans un miroir.
Assez longtemps.
L’étrangeté du monde qui nous entoure petit à petit redevient oppressante.
Avouez!
Tentez maintenant, tout en vous regardant, ou plutôt en regardant cet autre, cette copie qui vous fait face, d’observer aussi ce qui vous entoure dans le miroir.
C’est étonnamment impossible.
Dès que vous observez ce qui vous entoure, vous vous perdez de vue.
Et vous le sentez, vous aussi, que cet autre vous épie : pendant que vous observez l’espace autour de vous, lui, il ne regarde jamais ailleurs. Il vous fixe, sans relâche, dès que vous revenez, il est là, les yeux rivés sur vous, ce léger décalage dans le mouvement en est la preuve, ses yeux à lui n’ont pas bougé.

Pourquoi?
Depuis longtemps, depuis toujours j’ai cette intuition qu’on me trompe : ce n’est pas moi.
Je ne me sens pas ainsi, je ne suis pas cette chose-là.
Ce double est une mauvaise copie.
Mais ces lieux, cette pièce dans le miroir est plus vraie, plus nette, plus précise que ma réalité.
C’est là d’où l’on vient.
J’en ai la certitude.
Et cet autre qui nous a remplacé ne veut pas que l’on revienne et que l’on réintègre notre place.
Alors, il se fait le gardien du miroir et veille à ce que l’on se coiffe correctement.

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