Le camion

Totémisme : une brève étude structuraliste

La question du « totémisme » a été jusqu’à maintenant peu abordée. Nous jugeons pourtant qu’elle le mérite – et puis, il faut bien s’occuper ! Ces temps-ci, les jours s’étirent en longueur, ponctués qu’ils sont de maigres découvertes et de malencontreuses démangeaisons.

Chez les Pires, le rapport au monde est sans doute teinté par les croyances animistes et l’anthropomorphisme. Nous observons en particulier ici une certaine tendance à l’identification aux objets et plus particulièrement aux machines. Nous croyons pertinent de pousser l’enquête plus avant par une étude de cas.

Nous notons au moins deux occurrences contenues dans la mythologie. Il y a d’abord la figure de l’enfant guerrier, qui devra – tel que nous l’avons expliqué ailleurs – manger le cœur de son frère. Eh bien, cette figure mythique connue sous le nom de Léon le Nul poursuit, selon le récit, la quête de se transformer en train. Il y a également la figure centrale de la fable folklorique Jimmy Jones. Jimmy est un père-de-fer, un homme-camion.

Il n’est pas anodin de mettre ces deux figures mythiques côte à côte. Le devenir-train de l’enfant guerrier trouve son négatif, son miroir inversé, dirions-nous, dans la représentation du père-camion. Si Léon cherche à se transformer, Jimmy est, lui, destiné au même, à l’inchangé. Il est père éternel, infini, inachevé, répétitif et prévisible. Nous sommes donc devant deux personnages qui sont sans doute, dans leurs oppositions, les deux modes d’apparition d’une seule et même figure. Et ce qu’elle nous raconte, c’est d’abord un certain rapport au monde, un refus de distinguer comme nous le faisons habituellement l’objet inanimé de l’objet animé, à savoir, l’humain.

Un informateur a laissé savoir à l’équipée que l’identification répétée à l’espèce bovine lors de « spectacles » aurait rendu les chefs « allergiques » aux produits laitiers. Nous traiterons plus en profondeur de la question des tabous alimentaire la prochaine fois.

Espérant que vous trouverez comme nous que ces observations valent bien les quelques courbatures matinales que nous souffrons quotidiennement,

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