Il m’est arrivé d’entendre, lors d’une soirée chez X, un fin causeur – qui monopolisait l’attention ce soir-là – affirmer, en feignant de tenter de réprimer son dédain, que la table du manipulateur d’objet n’était, finalement… qu’une pauvre mise en abîme de la scène de théâtre ! (À ce moment il pouffe, toise la galerie, se mordille la lèvre inférieure et poursuit sa harangue, un peu trop haut perché.) Et que de plus, cette mise en abîme n’était qu’un gauche subterfuge des créateurs en manque d’envergure pour tenter de ramener à des dimensions qui leur étaient accessibles cette béance trop grande, menaçante; cet abysse qui dévoilait leur fragilité et leur petitesse.
La verve, jusqu’à un certain point, est signe d’intelligence, savoir parler est chose qui se raréfie ; parler et haut et fort sans maîtriser son sujet, par contre, fait preuve d’un manque flagrant de jugement et ne saurait camoufler, comme ce fut le cas lors de la soirée chez X, une absence gênante de capacité d’analyse. Je rétorquerai à cet importun dont je tairai ici le nom – on aurait de toute façon vite fait de l’oublier – que la table dans ce théâtre où se côtoient le miniature et l’infini est beaucoup plus grande que la scène qui, elle, se limite aux dimensions de l’acteur. Elle est une mise en abîme, certes, mais du monde, voire de l’univers et du temps…
Notre homme se mordit la lèvre, un peu trop. Une goutte de sang a perlé, m’a-t-on dit.