La machine distributrice

Comment ça se peut, ça n’a même pas de bras. Même pas de tête. Même pas de bouche pour embrasser. C’est un bloc compact. Moi je ne suis qu’extrémités. J’ai quinze ans et le centre éparpillé vers l’extérieur, dans des mains comme des oiseaux mouches qui s’agitent sans s’arrêter, qui veulent tout et n’agrippent rien. Elle, c’est un bloc de lumière qui shine nuit et jour. Elle reste immobile. Elle ne veut rien. Ne demande rien. Oui, c’est la seule qui ne me demande rien. Elle me laisse venir. M’attire sans attente. J’ai quinze ans et j’ignore si j’ai quelque chose à offrir. Je ne veux pas être prise, je veux prendre. Je ne veux pas d’un corps chaud et souple; je veux une glacière de plastique à laquelle me cimenter. Massive et implacable. Contre laquelle fondre.

J’ai vu un spectacle étrange. Un garçon tombait amoureux d’une machine distributrice. Ça m’a bien fait rire sur le coup. Mais plus tard, chez nous, dans le silence moite de mon lit, je me suis surprise à comprendre.

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