Nous n’avons pas besoin d’engin statistique pour savoir que le mot qu’elle répète le plus souvent dans une journée est «maman». En réponse, je croirais que l’un des mots que je répète le plus souvent – après « non », « arrête » et son prénom lancé un peu comme un sifflet de pénalité – est « chaise ».
Comme dans :
– Assois-toi comme il faut sur ta chaise.
– Reste droite sur ta chaise.
– Rapproche ta chaise.
– On se ne met pas debout sur une chaise.
– Une chaise a quatre pattes.
Je suis plate?
Je suis une mère. Pas une metteure en scène.
Il y a ses chaises à elle; celles qui servent aussi de promontoire pour atteindre tout ce qui, dans une bibliothèque, se veut hors de sa portée.
Il y a les chaises de cuisine tellement sales et collées, comme si elle les croyait vivantes au point de vouloir leur fournir quelques restes de table.
Il y a la chaise d’ordinateur dont elle use le tournis, provoquant cet assourdissant bruit répétitif de la chaise qui heurte le bureau. Je lui demande d’arrêter, tout en sachant bien qu’aucun enfant ne peut résister à une chaise qui tourne.
Et il y a la vieille chaise de Grand-Maman Paulo, chaise noire et capitonnée, engin de toutes les acrobaties. Elle peut même se faufiler entre le bras et le siège, manœuvre dont elle sort un peu échevelée comme si ma grand-mère, de son ailleurs très lointain, lui avait fait une étreinte un peu brusque.
Je ne suis pas metteure en scène, mais je sais bien que les objets ont des personnalités.