Monsieur,
J’ai suivi avec intérêt vos travaux qui tentent de mettre un peu d’organisation parmi nous. Malheureusement, je constate que vous nous traitez comme si nous étions de vulgaires… de banals… d’insignifiants objets de bazar de sous-sol d’église. Je tenais à vous faire connaître mes griefs.
Il y eut d’abord ce jour où vous m’avez classé dans la boîte « Jouets » à côté de quelques animaux en plastique, d’un téléphone Fisher Price et de vêtements de poupée. Pardon? Moi, un jouet? Je suis un jeu, monsieur. Un jeu d’adresse, qui plus est. Me classer ainsi, avec des babioles préscolaires, c’est sous-estimer toute ma complexité, le travail que j’ai fait sur moi-même au cours des siècles, mes métissages culturels, mes racines royales, etc.
Pour le dire simplement: je suis outré.
Ensuite, cette histoire de son… Vous avez dit avoir mesuré le son que je fais « en tombant ». Mais ça ne me semble pas tout à fait juste d’estimer que je tombe. Ma bille rejoint mon pic; elle ne tombe pas! Elle vole et se dépose. Et si vous tenez à voir dans ce mouvement mesuré une chute, à tout le moins, reconnaissez qu’il est faux de dire que « tac » soit le son que le bilboquet fait en tombant. Si je tombe vraiment, moi dans mon entièreté, le son est bien plus complexe et rarement coordonné, l’une ou l’autre de mes parties heurtant le sol avant que son prochain la rejoigne, inexorablement traîné par le fil qui les lie. Mais non, je ne fais pas « tac » en tombant.
Finalement, je pense que vous approchiez du bon sens avec cette histoire de poids. Le poids, en effet, peut être un critère de classification tout à fait légitime pour un objet de ma stature. Mais je vous inviterais à raffiner vos indicateurs. Combien je pèse est une question sans intérêt. Il faudrait savoir combien mon pic pèse, combien ma bille pèse et quel est le rapport d’ergonomie entre les deux. J’ai moi aussi mon nombre d’or.
Sincèrement,